• 044 - Henri Warnery (1859-1902) - Apparition De La Terre

    Dans la splendeur des cieux un astre vient de naître,
    Sur ses langes d’azur j’ai cru le reconnaître ;
    Car vers lui mon espérance a dirigé mon vol.
    La Terre ! Ah ! Je la vois ! La Terre ! C’est bien elle !
    À son souffle embrasé je sens frémir mon aile,
    Et j’entends, sous mes pieds, mugir son vaste sol.

    Une sueur de feu pend à sa croupe nue ;
    Les éclairs sur son front crépitent dans la nue ;
    Ses flancs partout béants fument de toutes parts.
    Un ciel obscur et lourd sur son écorce pèse,
    Et brisant les parvis de l’énorme fournaise,
    Les éléments de tout dans les airs sont épars.

    Qui dira l’horreur des premiers jours du monde ;
    La matière hurlant dans sa gaine inféconde,
    Et soudain ruisselant sur le globe éventré ?
    Qui dira le courroux des tempêtes natives,
    Et sortant lentement des ondes primitives,
    Les Alpes jusqu’au ciel portant leur front sacré ?

    En ces temps-là, les eaux enveloppaient la Terre,
    A peine, par endroits, quelque roc solitaire
    Dressait sur le vaste horizon sa tête de granit.
    Son pied ne baignait point dans un lit d’algues vertes ;
    Du levant au couchant les mers étaient désertes ;
    Nul oiseau n’eût trouvé de quoi se faire un nid.

    Nulle voix, nul appel, nul cri d’homme ou de bête,
    N’interrompait jamais l’horreur de la tempête ;
    Nul être ne marchait sur le sol rare et nu.
    Nul Atlas ne portait le ciel sur son épaule ;
    Et déroulant ses plis de l’un à l’autre pôle,
    L’océan par ses bords n’était point contenu.

    De pesantes vapeurs versaient sur lui leur ombre ;
    Et des siècles sans fin, et des âges sans nombre
    Passaient, et jusqu’au fond l’abîme s’agitait.
    Il sentait en lui s’éveiller sa force créatrice :
    Un germe était tombé dans sa chaude matrice,
    Et la vie en son sein vaguement palpitait.

    L’infiniment petit peuplait le gouffre immense :
    Muet, sans yeux pour voir, impalpable semence,
    Il rôdait au hasard, allant où va le flot ;
    Des continents futurs il posait les assises,
    Ébauchant lentement leurs tonnes indécises,
    Le sol ferme après l’île, et l’île après l’îlot.

    Ô sourds commencements de la vie et de l’être !
    Un monde tout entier d’un atome va naître ;
    L’imperceptible est roi de la Création.
    Des races à venir il porte en lui le germe ;
    Il est l’anneau premier d’une chaîne sans terme,
    Et chaque goutte d’eau roule cet Ixion.

    Mais lui-même, quel vent l’a jeté sur la Terre ?
    Est-il l’obscur crachat de quelque obscur cratère ?
    Est-il un don des deux au monde à son éveil ?
    Est-il né de la fange ainsi que l’eau des nues ?
    A-t-il pris de l’éther les routes inconnues ?
    Est-il un fils lointain d’un plus ancien Soleil ?

    Je ne sais ! Ma raison chancelle et se récuse ;
    J’ai peur qu’un vain désir d’expliquer ne m’abuse ;
    Car je n’ose me pencher sur le livre de feu.
    Nul n’a compris encor cette page suprême :
    C’est pour l’esprit de l’homme un rude problème ;
    Pour en savoir le mot, il faudrait être Dieu.

    Extrait du recueil "Poésies" 1887 - Suisse


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  • 043 - Charles Van Lerberghe (1861-1907) - Crépuscule Du Matin

    La voix qui sous les feuilles profondes chantait là,
    Cette nuit, qu'une inquiète et tendre âme exhala,
    Voilant de son sourire sa frêle grâce atteinte,
    S'en est allée avec cette âme qui s'est éteinte.
    Son mystérieux frisson dans l'aurore a passé.
    Elle parlait d'Enfance, d'Ailleurs et du Passé.
    C'était une voix d'ombre : maintenant elle est morte,
    Et voici que les brises amicales l'apportent
    Jusqu'ici, dans ces jardins vaporeux et déserts,
    Semblable au doux murmure des vagues de la mer,
    Lorsqu'elle se meurt, au loin, sur le sable des plages...
    Un souvenir de nuit divine qui se propage
    Et qui traîne encore dans le crépuscule bleu...
    Des jours plus beaux et des temps plus heureux...
    Pas même une chanson, mais une voix sans parole,
    Qui ne parle de rien, ne sait rien, mais qui console...
    Une ondulation des blés profonds et des eaux :
    Le silence n'en est pas troublé, ni le repos ;
    À peine la perçoit-on, tant elle est peu de chose ;
    Elle ne pourrait pas faire trembler une rose,
    Ni éveiller un oiseau. Pourtant, en cette voix
    Vit tout un monde invisible, enchanté, d'autrefois ;
    En ce souffle léger, où se mêlent des parfums,
    Respirent et soupirent des coeurs longtemps défunts,
    Et d'immortels visages, adorables et calmes,
    Y sourient à travers des guirlandes et des palmes.
    On entend bruire en elle, éclore, et puis mourir
    Les ailes et les lèvres ardentes du Désir,
    Et les douces paroles, heureuses et sacrées,
    En ces ténébreux bosquets l'Amour a murmurées.
    Sa résonance d'or emplit encore les cieux :
    Il faut prêter l'oreille à son chant mystérieux.
    Le songe qui la pénètre laisse dans l'âme une ombre,
    Et le bonheur, qui s'en éveille dans la pénombre,
    Hésite et pâlit. Voyez : Déjà c'est l'avenir,
    Les cimes éternelles commencent à bleuir,
    Dans les airs doux et pâles les étoiles se fondent ;
    Un jour nouveau se lève dans la splendeur du monde.
    Puis celles qui sortent, en ce voluptueux matin
    Qu'emplit encore l'étrange écho du soir lointain,
    Joyeuses, mais tremblantes, craintives, elles toutes,
    Sur la pointe des pieds, silencieuses, l'écoutent
    Immobiles, et d'un doigt sur leurs lèvres posé
    Retenant leurs doux souffles, ainsi que leurs baisers,
    Elles l'écoutent mourir dans les fleurs matinales,
    Dans l'éblouissement de leurs âmes virginales,
    Mourir, la prestigieuse et souveraine voix
    Qui chante dans l'aurore pour la dernière fois
    Et meurt, souriante et lasse, à leurs songes pareille,
    Parmi les fleurs qui s'ouvrent et qui s'éveillent.

    Extrait du recueil "Entrevisions" 1898 - Belge


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  • 032 - Henri-Frédéric Amiel (1821-1881) - Chanson D'Escalade

    L'heure a sonné, les échos de Genève
    Ont dit : Savoie ! Plus prompt que le vent,
    Ce cri, parti du pied du vieux Salève,
    Eveille au Nord un autre écho vivant.
    Du bleu Léman nous séparent cent fleuves ;
    De l'Escalade, un long passé qui dort ;
    Mais pour chanter son lac ou nos épreuves,
    Du Genevois le coeur palpite encor.

    Qu'importe au coeur, le temps ou l'espace !
    Dans leurs prisons il ne s'enferme pas :
    Aigle planant plus haut que ce qui passe,
    Son vol royal dédaigne tout compas.
    Philtre certain, tant que dans la poitrine
    Bout un sang pur, l'homme est jeune et fort ;
    Qu'il tienne plume, outil ou carabine,
    Du Genevois le coeur palpite encor.

    La vie aussi toujours plus nous sépare ;
    Vers l'horizon mènent mille chemins :
    Chacun va, vient, revient, cherche et s'égare ;
    Où pourrons-nous nous revoir, pèlerins ?
    Dans les forêts il est une vaste prairie ;
    Tous les sentiers s'y rendent comme au port ;
    Grütli boisé, ce lieu c'est la patrie :
    Du Genevois le coeur palpite encor.

    Patrie, ô mère auguste et vénérée,
    Dans tes enfants, l'amour n'a point failli ;
    Quand ton appel retentit, voix sacrée,
    A cet accent, mère, ils ont tressailli.
    Et, sur ton sol comme au lointain rivage,
    Humble, dans la gêne ou dans l'or,
    Jeune ou blanchi par les neiges de l'âge,
    Du Genevois le coeur palpite encor.

    Du Temps, amis, chaque battement d'ailes,
    Efface, efface et nos moeurs et nos traits ;
    O tendre souvenir, sans les âmes fidèles,
    Toi-même, hélas ! aussi disparaîtrais.
    Serrons-nous autour des vieilles fêtes,
    Sous leur drapeau, du temps bravons l'effort :
    Que des aïeux, pour sauver les conquêtes,
    Du Genevois le coeur palpite encor !

    Dans le sépulcre où vont les cités mortes,
    Tu vas, dit-on, cité de mes aïeux ;
    L'ennemi, Genève, est à tes portes !
    Debout, patrie, et reveille tes dieux !
    Tout n'est pas dit : la pierre de la tombe
    N'a pas encor sur toi scellé la mort :
    Sur le déluge a passé la colombe...
    Du Genevois le coeur palpite encor.

    Il est toujours sur cette vieille terre
    Des fronts brillant d'honneur et de fierté ;
    De nobles coeurs que rien de vil n'altère,
    Que rien de grand n'a jamais déserté.
    Rien n'est perdu : Dieu nous porte chance :
    On peut dompter ou détourner le sort.
    Jurons de vivre ! Amis, bonne espérance !
    Du Genevois le coeur palpite encor.

    Extrait du recueil "Grains De Mil" 1854 - Suisse


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  • 030 - Emile Verhaeren (1855-1916) - Plus Loin Que Les Gares

    L'ombre s'installe, avec une vive brutalité ;
    Mais les derniers ciseaux de la lumière,
    Au long des quais, coupent l'obscurité,
    A coups menus, de réverbère en réverbère.

    La gare immense et ses vitraux larges et droits
    Brillent, comme une châsse, en la nuit sourde,
    Tandis que des voiles de suie et d'ombre lourde
    Choient sur les murs trapus et les hautains beffrois.

    Et c'est le lent défilé des trains funèbres
    Commence, avec leurs bruits de gonds
    Et l'entrechoquement brutal de leurs wagons,
    S'éloignant tels des cercueils vers les ténèbres.

    Des cris ! Et quelquefois de tragiques signaux,
    Par-dessus les adieux et les gestes des foules.
    Puis un départ, puis un arrêt et le train roule
    Et roule avec des bruits de lime et de marteaux.

    La campagne sournoise et la forêt sauvage
    L'absorbent tour à tour en leur nocturne effroi ;
    Et c'est le mont énorme et le tunnel étroit
    Et la mer tout entière, au bout du long voyage.

    Puis à l'aube, apparaissent les bricks clairs
    Avec leur charge d'ambre et de minerai rose
    Et le vol bigarré des pavillons dans l'air
    Et les agrès menus où les aras se posent.

    Et les focs roux et les poupes couleur safran,
    Et les câbles tordus et les quilles barbares,
    Et les sabords lustrés de cuivre et de guitran
    Et les mâts verts et bleus des îles Baléares,

    Et les marins venus on ne sait d'où, là-bas,
    Par au delà des mers de faste et de victoire,
    Avec leurs chants si doux et leurs gestes si las
    Et des dragons sculptés sur leur étrave noire.

    Tout le rêve debout comme une armée attend :
    Et les flots du port, pareils à des guirlandes,
    Se déroulent, au long des vieux bateaux, partent
    Vers quelle ardente et blanche et divine Finlande.

    Et tout s'oublie, et les tunnels er les wagons
    Et les gares de suie et de charbon couvertes
    Devant l'appel fiévreux et fou des horizons
    Et les portes du monde en plein soleil ouvertes.

    Extrait du recueil "La Multiple Splendeur" 1906 - Belge


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  • 026 - Edouard Tavan (1842-1919) - La Douleur Du Taureau

    Tout le jour, à l’écart couché dans les rosages,
    Le taureau noir, le roi sombre des hauts alpages,
    Au flanc de la prairie a gémi tristement,
    Dans la blonde vapeur de son poitrail fumant
    Exhalant vers le ciel des plaintes inconnues.
    Les filles des chalets près de lui sont venues ;
    Elles l’ont appelé des noms accoutumés,
    Offrant à sa douleur les herbages aimés,
    Caressant doucement pour soulager sa peine,
    De leurs tremblantes mains son large cou d’ébène.
    Il est demeuré là. — Les vaches aux longs pis,
    Les petits veaux craintifs dans les buissons tapis,
    Paissaient joyeusement les gazons et les mousses ;
    Sous les branches des pins montrant leurs têtes rousses,
    Les génisses, avec de grands yeux innocents,
    De leurs roses naseaux soufflaient sur les passants,
    Et fuyaient en chassant les taons avec leur queue.

    Les sommets endormis sous l’immensité bleue
    Dentelaient vaguement les vaporeux lointains,
    Sur les pentes couraient les ruisseaux argentins,
    Les herbes s’inclinaient sous une tiède haleine,
    Les grands bois se taisaient, toute l’Alpe était pleine
    De parfums, de rayons et de gais tintements ;
    Mais il est resté sourd à ces appels charmants,
    Et, dédaigneux des soins et des douces paroles,
    Et de la combe verte, où, sous les vieux arolles,
    Les belles du troupeau mugissaient leurs amours,
    À tout indifférent et gémissant toujours,
    Il est demeuré là, farouche et solitaire,
    Dans le rosage en fleurs étendu sur la terre.

    Quand l’ombre des chalets s’allongea sur les prés,
    À l’heure où le jour fuit sur les monts empourprés
    Où le lointain adieu des âmes envolées
    Dans les cloches du soir s’exhale des vallées,
    Tout à coup, sous l’effort d’un élan furibond,
    Le taureau menaçant s’est levé d’un seul bond :
    De son regard oblique il a fouillé l’espace,
    Et, plus impétueux que l’ouragan qui passe,
    Il a, sous le galop pressé de ses pas lourds,
    Ébranlé sourdement les pentes de velours :
    On eût dit le fracas des neiges entraînées.

    Dans le vertige affreux de courses effrénées,
    Sa vaste silhouette, ainsi qu’un noir démon,
    Passait et repassait à la croupe du mont
    Qu’envahissait déjà l’ombre des nuits paisibles.

    Parfois, comme entouré d’ennemis invisibles,
    Il s’arrêtait soudain, reculait frémissant,
    Abaissait son front large, arquait son dos puissant,
    Et, déchaînant l’éclat de sa rage insondable,
    Recommençait au loin son galop formidable,
    Frappait, frappait le vide et les fantômes vains,
    Broyait le sol, lançait les blocs dans les ravins ;
    Puis, dans l’enivrement terrible de sa force,
    Au sein d’un tourbillon de cailloux et d’écorce,
    Éventrant les vieux pins sous ses cornes de fer,
    Il jetait dans la nuit des beuglements d’enfer.
    Tous ont fui, redoutant ses coups épouvantables,
    Et la terreur les tient blottis dans les étables ;
    Le vieux tueur de loups, le robuste vacher,
    Ni le fort bûcheron, n’ont osé l’approcher.
    Aucun pouvoir humain ne s’en peut rendre maître ;
    Il faut un exorcisme, et l’on attend le prêtre...

    Et, depuis quatre jours, là-haut, sous les deux clairs,
    Le mufle tout sanglant et les yeux pleins d’éclairs,
    Avec un roulement d’échos qui l’accompagne,
    L’énorme taureau noir beugle dans la montagne.

    Extrait du recueil ''Fleurs De Rêve" - 1889 - Suisse


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  • 018 - Max Elskamp (1862-1931) - Dormez-Vous Encor, Paroissiens ?

    Dormez-vous encor, paroissiens,
    hier n'est plus, les anges causent
    dans leurs jardins de fleurs de roses,

    et c'est matin villes en bleu,
    villes en blanc, villes en Dieu,
    avec les clochers au milieu

    des maisons, des toits, des bâtisses,
    avec des chapelles et des églises
    et des oiseaux, haut, plein les cieux.

    Or, ici, et plus près la terre,
    voici oraisons et prières,
    et baptême, mauvais et bons ;

    puis c'est le ciel vu de la mer,
    et les vaisseaux par le travers,
    et enfin le soleil par le milieu,

    et lors le monde à son grand voeu,
    et lors, au loin, toujours la mer,
    et puis, ici, sur tout les chemins,

    mes bonnes villes familières,
    où chacun a joie de sa pierre,
    de sa maison et de ses saints.

    Mais alors c'est vous tous les miens,
    et dormez-vous ? car le temps passe
    et le pêcheur est seul à ses nasses ;

    mais alors c'est vous tous les miens,
    et dormez-vous? car le temps vient ;
    or le boulanger enfourne son pain,

    et si sommeil vous est un bien,
    voici passé le temps de grâce ;
    dormez-vous encor, paroissiens ?

    Extrait du recueil "Enluminures" 1898 - Belge


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  • 005 - Emile Nelligan - La Romance Du Vin

     Tout se mêle en un vif éclat de gaieté verte
    O le beau soir de mai ! Tous les oiseaux en choeur,
    Ainsi que les espoirs naguère à mon coeur,
    Modulent leur prélude à ma croisée ouverte.

    O le beau soir de mai ! le joyeux soir de mai !
    Un orgue au loin éclate en froides mélopées;
    Et les rayons, ainsi que de pourpres épées,
    Percent le coeur du jour qui se meurt parfumé.

    Je suis gai! je suis gai ! Dans le cristal qui chante,
    Verse, verse le vin ! verse encore et toujours,
    Que je puisse oublier la tristesse des jours,
    Dans le dédain que j'ai de la foule méchante !

    Je suis gai ! je suis gai ! Vive le vin et l'Art !...
    J'ai le rêve de faire aussi des vers célèbres,
    Des vers qui gémiront les musiques funèbres
    Des vents d'automne passant dans le brouillard.

     C'est le règne du rire amer et de la rage
    De se savoir poète et objet du mépris,
    De se savoir un coeur et de n'être compris
    Que par le clair de lune et les soirs d'orage !

     Femmes ! je bois à vous qui riez du chemin
    Ou l'Idéal m'appelle en ouvrant ses bras roses;
    Je bois à vous surtout, hommes aux fronts moroses
    Qui dédaignez ma vie et repoussez ma main !

     Pendant que tout l'azur s'étoile dans la gloire,
    Et qu'un rythme s'entonne au renouveau doré,
    Sur le jour expirant je n'ai donc pas pleuré,
    Moi qui marche à tâtons dans ma jeunesse noire !

     Je suis gai ! je suis gai ! Vive le soir de mai !
    Je suis follement gai, sans être pourtant ivre !...
    Serait-ce que je suis enfin heureux de vivre ;
    Enfin mon coeur est-il guéri d'avoir aimé ?

     Les cloches ont chanté; le vent du soir odore...
    Et pendant que le vin ruisselle à joyeux flots,
    Je suis gai, si gai, dans mon rire sonore,
    Oh ! si gai, que j'ai peur d'éclater en sanglots !

    Extrait du recueil "Tristia" 1899 - Québécois


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  • 004 - Théodore Hannon - Les Mouettes

    Les mouettes aux ailes grises
    Tourbillonnent sur les flots bleus
    Et, plus légères que les brises,
    Déroulent leur vol onduleux,
    Les mouettes aux ailes grises.

    Je voudrais choisir l'une d'elles,
    Confidente de mes aveux,
    Pour l'envoyer à tire-d'ailes
    Au loin porter mes tendres voeux
    Je voudrais choisir l'une d'elles

    Je lui dirais : va près de celle
    Dont les yeux aux flammes d'acier
    Ont dans mon coeur, d'une étincelle,
    Allumé l'éternel brasier.
    Je lui dirais : va près de celle,

    Près de celle qui tient ma vie
    Dans un sourire, dans un pleur,
    Montre-lui ma force asservie
    Agonisant dans la douleur
    Loin de celle qui tient ma vie.

    O blanche messagère ailée,
    Dis-lui ma peine et mon ennui,
    Dis-lui que mon âme esseulée
    Referme son aile en la nuit,
    O blanche messagère ailée,

    En la nuit morne de l'absence
    Où, sevré du charme vainqueur
    De sa chère toute puissance,
    Languit et trépasse mon coeur
    En la nuit morne de l'absence.

    Extrait du recueil "Au Clair De La Dune" 1909 - Belge


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