• 057 - Léon Duvauchel (1848-1902) La Chanson Du Bon-Accueil

    057 - Léon Duvauchel (1848-1902) La Chanson Du Bon-Accueil

    L’auberge est blanche et réjouie :
    Elle rit au soleil levant.
    C’est une fleur épanouie
    Sous le rude baiser du vent.
    Dominant sa double clairière
    Où s’égosille le bouvreuil,
    Forêt devant, forêt derrière,
    C’est l’auberge du Bon-Accueil.

    N’y craignez pas de tragédie
    Que termine votre trépas :
    Au franc pays de Picardie
    Nos enseignes ne mentent pas.
    Tout là-bas, au tournant des côtes,
    Nul brigand n’attend sur le seuil :
    Voyez l’air engageant des hôtes
    De l’auberge du Bon-Accueil.

    Bon garde, viens-y dès l’aurore,
    En allant tuer tes lapins.
    Les yeux ensommeillés encore,
    Voici qu’accourent trois bambins.
    Ils vont émietter leur pitance
    À ton chien, couleur d’écureuil,
    Qui, tout heureux, aboie et danse
    Pour l’auberge du Bon-Accueil.

    Pauvres boquillons qui, sans trêve,
    Débitez les arbres géants ;
    Vieux charbonniers, jamais en grève ;
    Clapeurs, honte des fainéants ;
    Grumiers sobres, fuyant les bouges ;
    Ventiers ayant bon pied, bon œil,
    Allez vous tendre vos mains rouges
    Dans l’auberge du Bon-Accueil.

    La chasse court sous la charmille.
    Le lancer trouble les échos.
    La meute partout s’éparpille.
    Mort aux dix cors, mort aux ragots !
    Peut-être un veneur débonnaire,
    Ce soir, d’un cuissot de chevreuil,
    Viendra renforcer l’ordinaire
    De l’auberge du Bon-Accueil.

    Au mendiant, au pauvre hère
    Dont des haillons sont les habits,
    On voit souvent la ménagère
    Donner un chanteau de pain bis...
    Même un gîte, après la pâtée...
    Qu’eussent-ils brouté ? du cerfeuil
    Ou quelque racine gâtée,
    Sans l’auberge du Bon-Accueil !

    Cher asile, humble, mais prospère,
    Qu’un dieu sur toi pose la main ;
    Que les enfants après le père
    Vivent au bord du grand chemin.
    Sois accueillant à tout le monde,
    Hormis aux porteurs de cercueil,
    Et qu’on te célèbre à la ronde,
    Douce auberge du Bon-Accueil !

    Or, j’écris ces couplets champêtres,
    Moi, le parrain de la maison,
    Assis à l’ombre des grands hêtres
    D’où la faine tombe à foison.
    Sort propice, fais-moi la joie,
    Fou de mon art, mon seul orgueil,
    Que plus d’un été me revoie
    À l’auberge du Bon-Accueil.

    Puisse-t-on garder la mémoire,
    Au fond des hameaux forestiers,
    Du poète qui mit sa gloire
    À respirer les églantiers
    Cette fleur de sa rêverie,
    Et l’offre en partant, l’âme en deuil,
    À sa blonde hôtesse, Marie,
    Notre-Dame du Bon-Accueil.

    Extrait du recueil ''Les Faïnes" 1900


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