-
046 - Léon Dierx (1838-1912) - Le Remous
046 - Léon Dierx (1838-1912) - Le Remous
Tout se tait maintenant dans la ville, et les rues
Ne retentissent plus sous les lourds tombereaux.
Le gain du jour compté, victimes et bourreaux
S'endorment en rêvant aux richesses accrues ;
Plus de lampe qui luise à travers les carreaux.Tous dorment en rêvant aux richesses lointaines.
On n'entend plus tinter le métal des comptoirs ;
Parfois, dans le silence, un pas sur les trottoirs
Sonne, et se perd au sein des rumeurs incertaines.
Tout est désert : marchés, théâtres et abattoirs.Tout bruit se perd au fond d'une rumeur qui roule.
Seul, aux abords vivants des gares, par moment,
Hurle en déchirant l'air un vif et aigu sifflement.
La nuit règne. Son ombre étreint comme une foule.
Oh ! Ces millions d'yeux sous le noir firmament.La nuit règne. Son ombre étreint comme un mystère ;
Sous les cieux déployantson crêpe avec lenteur,
Elle éteint le long sanglot de l'éternel labeur,
Puis elle incline et remplit le front du solitaire ;
Et la vierge qui dort la laisse ouvrir son coeur.Voici l'heure où le front du poète s'incline ;
Où, comme un tourbillon d'abeilles, par milliers
Volent autour de lui les amples rêves réveillés
Dont l'essaim bourdonnant des fois s'illumine ;
Où dans l'air il surprend des frissons singuliers.L'insaisissable essaim des rêves qui bourdonne
L'entoure et dans son âme où l'angoisse descend
S'agite et s'enfle, avec un reflux incessant,
La houle des désirs que l'espoir abandonne :
Amour, foi, liberté, mal toujours renaissant.Comme une houle épaisse où fermente la haine
De la vie, en son coeur plus caché qu'un cercueil,
S'élève et vient mourir contre un sinistre écueil
L'incurable dégoût de la clameur humaine
Dont ta nuit au néant traîne le vain orgueil !Extrait du recueil "Les Lèvres Closes" 1867
-
Commentaires
Un blog très intéressant mais dont la lecture n'est pas facile à cause du fond!!! Dommage.