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027 - Frédéric Plessis (1851-1942) - La Vieille Eglise De Thaon
027 - Frédéric Plessis (1851-1942) - La Vieille Eglise De Thaon
Au fond du vallon solitaire
Temple spectral, d'arbres voilé !
Dernier vestige sur la terre
D'un peuple d'un autre appelé !J'ai fait plus d'un pèlerinage
A ton morne cimetière aboli
Qui sous l'herbe et la fleur sauvage
Lui-même est comme enseveli ;Et les fenêtres géminées,
De ton clocher silencieux,
En septembre aux pâles journées,
Bien des fois ont fixé mes yeux.A l'heure grave où le jour tombe,
Je me prodiguaix en efforts
Pour deviner, selon la tombe,
Ce que fut chacun de tes morts.Ils ont vécu ! Dans la chimère,
Dans la douleur et le plaisir ;
Sur les bords de la coupe amère
Le miel a donc flatté leur désir.Ils ont souffert ! Pris dans la trame,
L'insecte se débat en vain ;
Les maux du corps et ceux de l'âme
En eux aigrissaient leur levain.Ils ont aimé ! Divines fièvres,
Vous brûliez leur sens et leur coeur
Cette vierge a tendu ses lèvres
A quelque fier et doux vainqueur.Ce prêtre, la main pleine,
Dans le monde pharisien
En secret soulagea la peine,
Et pour le mal rendit le bien.Ainsi, ni pire ni meilleure,
Triste de toute éternité,
La vie, au caprice d'une heure,
Dans ce vaste désert a palpité :Toute l'histoire des familles,
Berceaux, lits d'amour et cercueils,
Le départ des fils et des filles,
Travaux du jour, fêtes et deuils.Quand le drame ailleurs recommence,
Puisque ici tout est accompli
Déroule ton voile, ô silence,
Ouvre ton aile, sombre et noir oubli !Le dernier souffle au ciel s'apaise ;
Il convient qu'en ce morne lieu
La muse elle-même enfin se taise
Et laisse la parole à notre Dieu.Extrait du recueil "Vesper" (1897)
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