• 016 - Louis Pergaud (1882-1915) - Matin De Chasse

    016 - Louis Pergaud (1882-1915) - Matin De Chasse

    Des rumeurs entr'ouvraient la robe du silence
    Et la pudeur du jour rougissait sur l'orient
    Lorsque le feu des chiens mena nos pas pesants
    Vers la forêt dressant ses fûts comme des lances.

    Chasseresse puisant à son carquois qui luit,
    D'où le jour s'échappait en rayons d'or pur,
    L'aube lançait parmi les clairières d'azur
    Les flèches de l'aurore aux fauves de la nuit.

    Sur les glaives brillants des herbes du taillis
    Les braques reniflaient bruyamment la rosée
    Ou, tour à tour, levant leurs gros museaux rosés
    Donnaient au lièvre roux dans les brandes tapi.

    Des insectes surpris se coulaient sous les mousses,
    Les bourgeons distillaient leur gomme protectrice :
    Un premier rayon chaud filtra du jour propice
    Et fiança mon rêve au dernier jet des pousses.

    La clair matin païen reprenait tout mon coeur
    Si loin par son désir de mon siècle barbare ;
    Quand le lancer soudain claironna sa fanfare
    J'étais un dieu sylvestre aussi, libre et moqueur.

    La voix des chiens multipliée par les échos
    Eperdument rejetait des rafales d'abois
    Et le faune éveillé aux clairières du bois
    Enervait l'air vivant du choc de ses sabots.

    Dans la tranchée tendant son geste rectiligne,
    Le lièvre déboulé, grave sur son cul blanc,
    D'une oreille attentive interrogeait le vent
    Et ses yeux flambaient de peurs indignes.

    La meute se pressait derrière lui, plus vite,
    Sous la ronce flexible étirée comme un lien
    Où les sylvains furieux au passage des chiens
    Tendaient sournoisement des rets de clématites.

    Un concert effrayant déchainait ses accords
    Sous la voûte éffondrée des rousses frondaisons
    La passion en moi darda ses longs aiguillons
    Et vint cinglet mon coeur d'un beau désir de mort.

    Sous les halliers pesait une angoisse lourde :
    Alors pris de l'émoi qui traversa les temps
    Je te fis Artemis, ainsi qu'aux jours d'antan,
    Une pure libation du vin pur de ma gourde.

    Extrait du recueil "L'Herbe D'Avril" 1908


  • Commentaires

    1
    Lundi 19 Octobre 2015 à 15:26

    très bon

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